Lomé Peace and Security Forum : La réflexion de Faure Gnassingbé
La première édition de Lomé Peace and Security Forum (LPSF) s’est déroulée ce weekend (21 et 22 octobre 2023) à Lomé. Les travaux ont réuni pendant deux jours, plusieurs délégations d’acteurs politiques de divers horizons, et des experts des questions de paix, de sécurité et de gouvernance. C’est Mme le Premier Ministre, Victoire Tomégah-Dogbé qui a présidé l’ouverture des travaux au nom du Chef de l’État. Dans ce sens, elle a lu en substance le Discours de Faure Essozimna Gnassingbé. Dans cette intervention, le Président Faure a partagé sa réflexion avec les participants. Elle est axée sur 05 points.
« Le défi de la construction de l’Etat
De manière générale, les pays africains sont socialement pluriels. Dans les temps anciens, des codes bien établis, tirés du vécu des communautés ont forgé des modèles de gouvernance que l’on appellerait aujourd’hui traditionnels. Ils ont assuré la prospérité et la puissance des royaumes et empires africains, aussi grâce à l’adhésion du plus grand nombre, si pas de tous. La Charte du Mandé de 1236 peut être considéré comme le précurseur de la Déclaration universelle des droits de l’homme, tellement ses dispositions plaçaient l’Humain au centre de tout.
Il est à déplorer que cette diversité sociale ait davantage servi de vecteur de division et de conflit. Le moment est indiqué pour nous interroger sur les processus de construction de nos Etats. Partant des époques des indépendances voilà plus de six décennies, nombre de pays africains ont connu le choc démocratique des conférences nationales à la fin des années 80. Le tourbillon démocratique du printemps arabe qui a balayé le Maghreb fait encore payer à l’Afrique subsaharienne occidentale un lourd tribut à la suite de l’effondrement de la Lybie. Actuellement, de nouveaux foyers de déstabilisation, de tensions et de violences réapparaissent, parfois aggravés par l’expansion des extrémismes, du terrorisme et de la criminalité transfrontalière.
L’enjeu de la centralité de l’Etat
La puissance publique, dans tous ses démembrements, est cette colonne vertébrale autour de laquelle s’organise la gestion de la société. Des institutions fortes forment le socle d’un Etat vertueux apte à remplir son rôle central de régulation, de préservation des équilibres majeurs, garantissant la paix et la stabilité. La mission de protection des citoyens, de sécurité et de développement ne peut s’accommoder d’un Etat faible, subissant impunément la défiance des entrepreneurs de la violence.
Le pari démocratique
Le système de gestion de la société est d’autant plus réussi qu’il garantit à tous et à chacun le bénéfice d’un espace de vie, d’expression et d’épanouissement. Cette aspiration qui est une quête quotidienne était au centre des processus de démocratique initiés voilà trois décennies. Alors que certains observateurs parlent de régression démocratique, le rendez-vous de Lomé doit être un moment d’analyse rétrospective inventoriant les acquis à préserver et mettant en lumière les indispensables ajustements à opérer dans nos différents efforts de gagner le pari de cette transition vers une démocratie que nous souhaitons authentique, sans péjoration.
L’insatisfaction des citoyens
De plus en plus, nous percevons l’expression de ces citoyens qui murmurent avoir perdu confiance dans la pratique démocratique. La multiplication des murmures faisant écho, il est entendu que trois décennies de démocratisation n’ont pas apporté les bénéfices attendus. Par ailleurs, les périls sécuritaires ont conduit les populations à douter des capacités des Etats à les protéger. Ils en viennent à exprimer leur défiance vis-à-vis de leurs élus et des institutions de l’Etat jusqu’à servir de justification aux actions de rupture de la légalité constitutionnelle. La conscience individuelle et collective est appelée à imaginer les mesures correctives idoines pour que notre démocratie inspire plus confiance et que nos institutions soient davantage le reflet de la volonté de nos peuples.
Les attentes des jeunes générations
Globalement, les Subsahariens de moins de 30 ans représentent 70% de la population alors que 60% de mes compatriotes togolais ont moins de 25 ans. Les transitions politiques en cours dans certains pays tout comme les contextes de transition structurelle que connaissent d’autres pays partagent une constante qu’est le poids des attentes pressantes et exigeantes des jeunes africaines et africains. Ils réclament notamment d’être plus écouté, plus de participation politique, plus d’opportunités économiques, plus d’emplois de qualité, plus de protection sociale, une plus large offre en matière de santé et d’éducation. Dans un monde globalisé, ce village planétaire qu’animent les réseaux sociaux et l’intelligence artificielle, sollicitons le génie qui sommeille en chacun de ces jeunes pour promouvoir une offre démocratique qui donne des raisons d’espérer aux générations montantes. J’y vois un rôle important de renforcement de la cohésion sociale que jouerait l’animation d’un actif dialogue inter générationnel dans nos pays.
La réalité d’un état de transition
De tout ce qui précède, l’une des conclusions qui peut être tirée est que les pays africains font encore face à des situations d’instabilité qu’aggravent l’activisme terroriste et les ruptures de l’ordre constitutionnel dans divers pays. Cette mauvaise humeur démocratique peut être un rappel à nous lancé signifiant que le modèle jusqu’ici porté nécessite des retouches. C’est à cela que nous devons nous atteler avec exigence et délicatesse. », a fait savoir Faure Gnassingbé.
La rencontre de Lomé a été une opportunité d’échanges éclairés et de réflexions partagées sur la nécessaire appropriation endogène de la démarche collective de consolidation démocratique. Ce cadre à été aussi un espace propice à l’éclosion de propositions de pertinence audacieuse et de réalisme fonctionnel. Les assises ont été sanctionnées par une déclaration commune.
Londou KAWANA