INTERDICTION DES COURS DE RÉPÉTITION DANS LES ÉCOLES GUÉRIR LE MAL JUSQU’À LA RACINE
Par la note de service N° 021 /2021/ MEPSTA/ CAB / SG en date du 01 mars 2021 les cours de répétition dans tous les établissements scolaires du Togo sont interdits. C’est le Ministre Dodji KOKOROKO en charge de l’éducation dans notre pays qui a pris cette décision d’interdiction. Le ministre appelle les Directeurs régionaux de l’éducation, les Chefs d’inspection et les chefs d’établissement scolaire, chacun en ce qui le concerne, de veiller au respect scrupuleux des dispositions de la note de service ci-dessus mentionnée. Une décision inopportune Le système éducatif au Togo et comme partout ailleurs est animé par plusieurs acteurs qui doivent, pour la bonne marche de l’éducation, se concerter régulièrement. Le ministre est le chef d’orchestre. Avec lui jouent les Directeurs régionaux de l’éducation, les chefs d’inspections, les chefs d’établissement et dans une moindre mesure les enseignants. A tout ce beau monde, il faut ajouter des acteurs pas des moindres que sont les fondateurs d’écoles privées, les associations des parents d’élèves. Chacun en qui le concerne joue sa partition pour une belle harmonie musicale. Quand survient une cacophonie c’est l’ensemble qui doit réfléchir. Cette image inspirée de la musique devrait interpeller le ministre et l’amener à résoudre autrement le problème. Le fléau des cours de répétition ne date pas d’aujourd’hui. Plusieurs ministres ont essayé, sans succès, de résoudre ce problème. L’actuel ministre en charge de l’éducation, le professeur Dodji KOKOROKO, avec son dynamisme et toute son intelligence, en lieu et place d’une note de service, aurait dû créer un comité national de réflexion composé de tous les acteurs de l’éducation afin qu’une solution idoine puisse être trouvée au phénomène de la répétition. Interdire les cours de répétition dans les écoles ne serait pas une solution au mal. Et d’ailleurs à qui les cours collectifs de répétition dans les écoles font mal ? Estce aux enseignants, aux élèves ou aux parents d’élèves ? Y-a-til péril en la demeure ? Ces cours de répétition ont-ils un aspect bénéfique dans l’éducation des enfants ? A toutes ces interrogations, un acteur du système de l’éduction, sous couvert d’anonymat, a répondu que c’est du zèle, du saupoudrage et pure agitation pour détourner les togolais des vrais maux qui minent l’école de la terre de nos aïeux. Dans le cadre de cet article nous feront économie des maux dont souffre l’école togolaise. Une décision du ministre qui vaut néanmoins son peson d’or Le phénomène de la répétition a toujours fait l’objet de réflexion avec tous les ministres de l’éducation qui se sont succédé. Il faut reconnaitre que la répétition n’est pas une mauvaise chose en soi. C’est la manière dont elle est pratiquée qui suscite débat. Selon les propos d’un chef d’établissement : « certains enseignants ne font pas le travail pour lequel ils payés. Au collège et lycée par exemple, certains enseignants des disciplines comme la mathématique, les sciences physiques, la SVT et autres retiennent les meilleures informations pour ne les livrer qu’au cours des séances de répétition. Forçant du coup les apprenants à prendre part à ces séances contre paiement d’un droit de participation. Les enseignants du primaire en font autant ». Ce qui naturellement n’est pas une bonne pratique. De ce point de vue le ministre n’a tort de chercher à recadrer l’exercice de la répétition. La répétition, un phénomène qui ne touche que les écoles privées Le phénomène de la répétition a commencé dans les années 90 dans les grands centres urbains où la petite bourgeoisie, en quête de l’excellence pour leurs enfants, avait commencé par solliciter les services des maitres de maison. Cette initiative a eu du succès et les moins nantis, pour ne pas laisser leurs enfants aussi à la traine, avaient imaginé une autre forme d’encadrement. D’où les cours collectifs de répétition dans les écoles d’abord privées puis publiques. Avec un léger mieux dans les écoles publiques, la répétition y a pris fin. Et donc naturellement au-delà de l’excellence recherchée, la répétition permet d’arrondir les angles. La répétition, une action sociale Au-delà de l’aspect financier que chacun voit, les cent francs par élève que l’enseignant échange contre son savoir, ce qui est d’ailleurs ridicule, l’opinion devrait reconnaitre ce rôle social que joue la répétition. Durant la période de confinement lié à la pandémie du nouveau Coronavirus, chacun a pu mesurer l’impact de l’absence du maitre aux côtés des élèves. Les parents occupés par la recherche du bien matériel pour la famille n’ont souvent pas le temps de s’occuper de leurs rejetons et c’est naturellement qu’ils décident de les mettre sous bonne garde. Et c’est l’enseignant qui joue ce rôle. Un chef d’établissement nous a confié ceci « certains de mes enseignants ont la garde des enfants à l’école même au-delà des heures règlementaires de cours. Ceci parce que leurs parents ne veulent les laisser seuls à la maison à leur absence. Et les cours de répétition qu’ils sollicitent concourent à cet objectif ». Dans les centres urbains les parents courent dans tous les sens à la recherche du bien-être familial et la répétition à domicile ou à l’école est une forme de garderie pour eux. Interdiction des cours de répétition dans les établissements scolaires, l’égalité des chances bafouée Depuis le week-end dernier, la décision d’interdiction des cours de répétition à l’école est effective. Le tour que notre rédaction a fait sur le terrain nous a permis de nous rendre compte que la plupart des écoles se sont pliées à la décision du ministre. Enseignants et élèves, résignés, se sont donc résolus à rester à la maison. Si la classe riche des togolais se permet de prendre des maitres de maison, ce n’est pas le cas pour la très grande majorité des parents d’élèves. Un parent d’élève commentant la décision du ministre disait ceci « ils interdisent à nos enfants de profiter de la répétition collective. Ils veulent que ce soit leurs enfants qui deviennent les meilleurs car de nos jours, aucun enfant ne travaille seul. Les enfants ont besoin d’encadrement ». Ce commentaire du parent illustre à suffisance le fossé que la note de service ministérielle va creuser dans le monde éducatif au Togo. L’égalité des chances n’est-elle pas bafouée ? Les résultats de fin d’année 2020-2021 seront-ils à la hauteur des attentes ? Est-il trop tard pour rectifier le tir ? Rechercher une solution idoine La plupart des acteurs de l’éducation à la base savent que les cours de répétition dans les établissements scolaires et les cotisations supplémentaires dont parle le ministre dans une autre note de service en date du 02 mars ont un dénominateur commun : la pauvreté. Pour que le phénomène de la répétition s’arrête, les autorités de l’éducation au Togo doivent s’impliquer dans le secteur privé de l’éducation. Elles doivent permettre aux fondateurs d’écoles, qui ont déjà beaucoup fait avec la mise en place des infrastructures, de mieux traiter leur personnel avec une subvention conséquente, l’exonération de certaines taxes et une collaboration avec les établissements publics par un transfert d’élèves pris en charge par l’Etat. Car comment comprendre que dans un établissement privé qu’il y ait des classes vides et de l’autre côté des classes soient bondées obligeant chaque année l’Etat à investir dans les infrastructures scolaires. Si quelqu’un ne tire pas profit de cette situation, nous osons croire que des réflexions profondes doivent se faire, plutôt dans ce sens afin que des solutions durables puissent être trouvées et que ce soit le Togo qui gagne dans son ensemble. Edgar WALLA